Je remuai la tête pour acquiescer, tout en regardant son laideron. Le soir tombait. Au loin, les collines semblaient plus hautes et plus serrées autour du village, comme des apparitions noires qui avaient rapproché leurs têtes pour se raconter des secrets.

La cour ronde, enclose avec des madriers, était couverte de flaques fumantes d’urine de bufflonne. Les commis ramassaient les bouses et les portaient avec des brouettes ni  la fosse, au fond du jardin. Il flottait dans l’air une forte odeur de fumier, d’étable et de fumée. Deux filles, vraisemblablement les sœurs cadettes, me conduisirent dans une pièce en me bousculant, soi disant ni  cause du noir, allumèrent ma lampe et se mirent ni  déplier et ni  secouer des draps en s’esclaffant. Je les laissai faire et je sortis me laver ni  la fontaine. Je tirai un seau d’eau et je me le vidai sur la tête. Je me nettoyai et me rafraîchis ni  merveille, après quoi je me séchai avec la serviette, mais quand je voulus enfiler mes socques que j’avais laissées un peu ni  l’écart pour ne pas les mouiller, je glissai et me retrouvai soudain ni  patauger dans une mare de boue gluante et froide. Je me débattis pour me dégager, je criai au secours, mais personne ne sortit de la maison éclairée. Tout ni  coup j’aperçus juste ni  côté de moi deux yeux globuleux et je sentis une haleine forte – c’était une bufflonne qui prenait son bain de boue et qui, d’après son mugissement étouffé, ne paraissait pas du tout contente que je le partage avec elle.

Je recommençai ni  m’égosiller et la vilaine fille pas mariée sortit de la maison et me dit en rigolant :

- Nlaie pas peur, embrasse-la et elle te laissera sortir sans dommage !
Je n’arrivais pas ni  en croire mes oreilles. Je la regardai, je regardai la bufflonne…

- Tout de même, je préférerais t’embrasser toi, plutôt qu’elle ! 

- Ben, ça ne se fait pas, me répondit-elle en se dandinant d’une jambe sur l’autre et en entortillant son tablier. Et puis, ce n’est pas avec moi que tu partages la gadoue…

La bufflonne avait un regard torve et pinçait ses grosses lèvres baveuses. Mon Dieu, que faire ? Je tentai de m’enfuir mais je ne réussis qu’í  m’enliser davantage. La bestiole avait abaissé ses cornes qui se rejoignaient au milieu du front et poussait des mugissements courroucés.